LA MATIÈRE, LE SENS, LE FRUIT

LA MATIÈRE
Des chansons colorées à textes linéaires. Des éléments de poésie dits avec un pinceau. Une parole libre, sans autre attache que la toile, accrochée à celle-ci et rassurée par le son qu’elle fait lorsqu’elle s’y frotte. Une musique non décortiquée, non expliquée, qui parle à qui veut l’entendre. Un show à offrir simplement.

 

Un travail exécuté par-à-coups, avec de larges silences et des bruits précipités; avec des mots longs et profonds coupés ou déroulés dans leur entièreté. Avec des dialogues de différents personnages, héros de mes chansons, se disant, se dédisant, parlant par-dessus les autres ou émettant des sons pendant que d’autres essaient de prendre le plancher, ou la toile. Des sons stridents ou harmonieux, doux ou amers, amoureux, révoltés, mais toujours transcendés, transformés ou victimes d’un assaut lancé par un chat ou un cri.

 

Des textes chantés a cappella puis investis d’une musique qui les entraînera dans une relation truffée de coups, de caresses, de partages et de conflits. Musique soutenue par le temps et le rythme inscrits sur la portée comme sur la pierre, déterminant le ton et prenant place.

 

LE SENS

Son d’un insecte rassurant non identifié et faisant partie inhérente du décor. Insecte sonore se déplaçant dans le jardin, sur la toile et qui la quitte, et qui revient. Qui cherche son chemin peut-être. On ne connait pas son parcours, on ne peut que faire confiance à la vie qui le guide et aux traces déterminées qu’il laisse sur son passage.

 

Viendront d’autres flaques commandées et exécutées naturellement, enrichies par la connaissance du lieu et ayant en mémoire active les autres insectes et autres flaques déjà évaporées ou sur lesquelles une autre matière s’est flanquée ou posée.

 

Tout simplement des gestes pas aussi bien identifiés que les gammes, que les symboles de temps sur la portée. Gestes n’appartenant pas à un dictionnaire sémantique pouvant donc être interprétés au gré des esprits inventifs avec tout de même certains consensus, mais dont les sens peuvent basculer à tout moment par excès de liberté. Comme si on pouvait interrompre le temps consacré à la blanche sans inscrire un silence.

 

Entre le jardin et la portée : la toile.
Fracas, douceurs, espoirs et conscience aiguisée. Candeur, naïveté et mort. Réalité et rêve. Fantaisie par choix, comme vitamine, vitalement. Bruits à lire. Passer du do au sol en circulant autour du fa. Partition ayant ses propres règles.

 

LE FRUIT

Contraste quinte. Contraste octave. Contraste tierce.
Improvisation sans thème ou rarement avec. Thème caché.

Bruits de vent sur la toile.

 

Suite en jaune majeur, en noir mineur.

 

Ce qui est volontaire est de ne pas faire exprès, ne pas vouloir. Tableaux témoignages d’un état non nommé, d’une recherche plastique qui est, mais qui ne veut pas être congelée; qui préfère être décortiquée à l’autopsie. Et elle n’est pas morte.

 

Langage dans la cour de récréation où une colère peut éclater au beau milieu d’un carrousel. Une personne peut lancer un ballon, de toutes ses forces, à quelqu’un d’aimé. Deux personnes peuvent s’entredéchirer au bord d’une piscine, que le soleil soit couchant et les couleurs éclatantes. Le drame peut être sous les ratines écarlates. Des pensées sombres peuvent inonder une tête pendant que les yeux regardent un petit canard. Chaque tableau est un grand moment ou une suite de moments courts ou longs, témoignant à sa façon. Comme des chansons qui parlent du temps, de la mort, de la naissance, de toutes les choses de la vie sans qu’on aille plus loin.

 

On ira loin à l’autopsie.

Février 2003