MA VIE COMME UNE SALADE

LIEU DE LIBERTÉ
AU PRÉSENT

Je suis un collage, des collages successifs. Il y a continuité, mais on ne la nomme pas. Puis il y a cassure. Et encore continuité. On ne la pousse pas. On colle la poussière, parce qu’elle fait partie du sens.

 

Retour sur un déménagement où des objets s’étaient retrouvés dans une remorque, obligés de se côtoyer quelques heures. Collage tridimensionnel où des choses banales étaient mélangées aux plus importantes, où cartons et papiers d’emballage se dénominatorisaient communément.

 

Critères de rangement passagers ou définitifs, amenés par le poids, les dimensions, la fragilité ou l’ordre d’utilisation. Objets placés ensuite dans un logis. Ou sur la toile. Critères de rangement transformés, inversés ou disparus.

 

Fini les critères! Grande toile reposante. Donnée, la remorque. Vendus, les objets. Gesso sur collage. Peinture sur collage. Peinture sur peinture.

 

MA VIE COMME UNE SALADE
Uniformisés photocopieusement, j’ai grossi des gribouillis, des mots et des souvenirs en tissu. Quelques-uns, délégués par les autres, se sont amalgamés, déblayant le chemin comme une souffleuse qui dessine enfin une belle entrée.

 

Hiérarchies aléatoires ou secrètes, ils ont dit du nouveau.

Et se sont raréfiés. Sont devenus du sens, en vrac, archivé.

 

Alors j’ai peint par-dessus et à côté. La peinture ayant pris le relais, arrivée la première à la ligne d’aujourd’hui, victorieuse et amusée.

 

Puis, traversée.

 

Dire, dire, dire, ensuite découper, retrancher, redire. Ne pas la dire. La couvrir. Elle n’était pas pour cette toile. Elle était pour sous cette toile, comme substrat.

 

Et se contredire. Traverser un lieu bombé et laisser la ligne flotter.
Superpositions de plans sans mode d’emploi.
Contradiction venue du fond de la toile où les éléments ont continué de se déployer même après avoir été ensevelis.

Besoin de jaune.
Besoin de bleu.
Besoin de ce violet.

Recouvrir la toile d’une teinte support, teinte phare.

Contours féroces. Contours flous.
Contours durs. Contours multiples.
Contours menteurs, parce que contours d’événements dont il ne subsiste que le contour et sur lequel est arrivé autre chose.
Bornes d’une terre qui sauve sa peau; qui empiète sur sa voisine ou qui cède sa place.
Clôture transparente. Terre sécurisée. Contour effacé.
Clôture territoire, linéaire, radicale.

 

Simplicité bien déroulée.
Drame drôle.
Abîmes, champs, flèches, sphères, yeux, restes de fêtes à conserver.
Lignes sur événement.
Couleur qui demande, et qui crie tout à coup. Qui réclame.
Silence à épaissir.

 

Faire le vide et peindre ce qui reste.
Toile tournée dans tous les sens. Au repos ou ardente, discrète ou sans retenue.

Puis vent dans jardin.
Éléments rassemblés par la porte qui s’est ouverte, par la personne devant ce soleil. Et cette lumière qui répand ce jaune!

 

Réalité à soutenir en entrant dans la surface, sous la ligne et en la suivant dans sa cachette; en fendant le rond. En donnant au regardant les mauvaises indications.

 

Comme une salade. Prendre ce qu’il y a dans le frigo, avec insistance sur tel item et nonchalance devant tel autre. Certains que l’on incorpore parce qu’il faut les passer.
Comme un motif redondant, siégeant sur la toile, parce qu’il y en a beaucoup ou que la date d’expiration est proche.

 

Amoncellement de circonstances atténuantes, de moments uniques, de conséquences de cent conditions matérielles, spirituelles, intellectuelles et émotives s’agglutinant ou s’expulsant, orchestrés par le tube, le pinceau, la toile et moi.

 

Lien de fait
Été 2001